Projections de films
Cinéma Spoutnik
11, rue de la Coulouvrenière, 1er étage - L'Usine.
www.spoutnik.info
Spoutnik s'associe aux 50JPG (50 Jours pour la photographie Genève) pour explorer sous l'angle cinématographique la problématique de cette édition : "fALSEfAKES - vraifauxsemblants" à travers une programmation de films répartis sur les 2 premiers weekends de la manifestation.
Depuis son apparition dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'image photographique, qu'elle soit fixe ou en mouvement, a été la source d'un paradoxe. Résultant de l'écriture directe de la lumière sur une surface photosensible, elle semble a priori la mieux placée pour attester d'une réalité. Son rôle majeur dans le domaine documentaire atteste de cette prédisposition. Cependant, elle a également été très vite manipulée et détournée, et ce, bien avant l'ère numérique. Staline faisait ainsi disparaître à son gré certains opposants encombrants des photographies officielles du Parti, tel le magicien Méliès dans ses films fantastiques.
A travers ce corpus sondant les interstices entre documentaire et fiction via des travaux pouvant être rangés sous les termes d'essai, de critique des médias, de "docu-fictions", "documenteurs" ou autres "mockumentary", Spoutnik complète l'éventail de pistes explorant la nature ambiguë de l'image photographique.
On découvrira ainsi l'image photographique en tant qu'attestation d'une réalité, comme validation d'une Histoire, d'une mémoire. Mais aussi comme moteur de réflexion quant à la véritable nature de ce qui est donné à voir lorsqu'elle est utilisée sur un mode décéptif, en jouant avec la crédulité du public. Une image authentique peut ainsi fasciner et paraître fausse, alors qu'une image manipulée peut passer facilement pour crédible. Le jeu entre vraisemblable et simulacre, produit des critiques de portée politique, sociale, historique, identitaire et culturelle.
Se servir du faux pour dire le vrai, c'est la richesse des démarches cinématographiques et artistiques qui seront proposées ici.
samedi 8 juin, 16h (en présence des réalisateurs)
IN DREAMLAND – Dominique Fleury – Suisse – 2007 – 16 min – VOstFR - BetaSP
Entrée libre
In Dreamland est le nom donné à une ville privée de la banlieue riche du Caire, imaginée par l’architecte de Celebration de Disney. Le film témoigne d’une vision de la modernité qui est proposée et questionne les liens entre architecture, imaginaire et identité.
Dominique Fleury est une artiste suisse diplômée de la Royal Institute of Art de Stockholm et de l’école de photographie de Vevey. Ses récents projets ont été en partie inspirés par des questions suscitées par des chrétiens d’Orient, suivant les traces de sa famille maternelle syro-libanaise ayant vécu en Egypte.
Son premier film tourné en Egypte In Dreamland a été tourné lors d’un workshop et a été présenté à Vision du Réel en 2008. En 2010 elle continue ses recherches à Alexandrie avec le projet Once Upon Utopia (Alexandria) qui comporte une série de 3 films (They call them shared names (Visions du Réel 2011), Neither heaven nor the contrary et Le pigeon et le macaroni) et une série de photographies.
suivi de :
CONVERSATIONS IN MILTON KEYNES (Rencontres à Milton Keynes) – Ingo Baltes - France - 2011 - 72 min - VOstFR - BetaSP
Série de rencontres dans une ville nouvelle en Angleterre, Milton Keynes, conçue vers la fin des années 60 et construite depuis. Une expérience de vie qui touche l’auteur lui-même, et avec lui ceux qu’il filme: un buveur de bière, l’architecte, un responsable de caddies....
"Dès le premier instant à Milton Keynes, filmer était une question de survie. Le cinéma vit par définition de la relation avec « l'autre », et ici, dans cette ville toute nouvelle, l’autre était bien loin… "
Ingo Baltes est né à Singen (RFA) en 1972. Après des études de Lettres modernes, Littérature comparée et Lettres scandinaves, il suit des études en Réalisation-Cinéma à l’INSAS (Bruxelles). Filmé pendant plusieurs années en autoproduction complète, „Rencontres à Milton Keynes“ est son premier film.
Son travail sera également présenté à l'Espace Cheminée Nord (Usine Kugler) dans l'exposition "Ici tout est vrai" dans le cadre des 50JPG.
"Ici tout est vrai" du 8 juin – 14 juillet 2013 - Espace Kugler - Vernissage 7 juin dès 18h
samedi 8 juin, 18h30
OPERATION LUNE – William Karel – France – 2002 – 52min – VF – DVD
Entrée : 5.- Frs
"Pour la Lune, s'il n'y avait pas eu d'images, il n'y aurait pas eu d'événements (…) Je pensais que c'était intéressant de montrer l'importance de l'image, ou l'absence d'image, dans un événement". William Karel
Quels liens Stanley Kubrick entretenait-il avec la NASA ? Hollywood a-t-il participé à l'élaboration des images de Neil Armstrong foulant le sol lunaire? Jusqu’à quel point, Nixon était-il prêt à aller pour maintenir la suprématie américaine ? Autant d’insinuations laissant penser que le premier pas sur la lune ne soit qu’une vaste mise en scène.
Diffusé à l’occasion du 1er avril 2004 sur Arte, ce « documenteur » est signé William Karel, réalisateur chevronné de documentaires historiques (et sérieux) pour la télévision. Dans une démarche diamétralement opposée au rapport à l’image d’un historien, il s’est appliqué à manipuler les archives dont il disposait, en changeant les sous-titres, les doublages, retouchant les images et ayant recours à de faux témoins.
samedi 8 juin, 20h (en présence des réalisateurs)
THE LEBANESE ROCKET SOCIETY – Joana Hadjithomas & Khalil Joreige – France / Liban – 2013 – 95min - VOstFr - DCP
Tarif normal: 12.- Frs / Tarif AVS, chômage, étudiants : 8.- Frs / Tarif membre : 7.- Frs / 20 ans-20 Francs : 5.- Frs
Début années 2000 : les plasticiens d’origine libanaise Joana Hadjithomas & Khalil Joreige tombent par hasard sur un timbre des années 60 sur lequel figure une fusée aux couleurs du Liban. Après quelques recherches, ils découvrent l’existence de la Lebanese Rocket Society, un véritable programme aérospatial mené de 1960 à 1967 sous l’impulsion d’un professeur de mathématique et de ses élèves passionnés par la conquête des étoiles. Or, personne ne semble se souvenir de cette page glorieuse de l’histoire de ce pays désormais tristement associé aux images des guerres successives qui l’ont traversé. Dans un contexte de panarabisme et de course à l’espace entre les blocs Est et Ouest, les ambitions du petit pays n’étaient apparemment pas du goût de tout le monde…
La nature de ce projet cinématographique est étroitement liée à la question des archives photographique et filmique. Alors que les auteurs pensaient initialement aborder ce sujet mystérieux d’un point de vue hypothétique, étant donné l’absence de documents attestant de la véracité de ces événements, le fait de retrouver la trace de Manoug Manougian, l’instigateur du programme, a engagé le film vers un travail orienté d’avantage vers la mémoire. Disposant soudainement d’un riche matériau archivistique collecté par le scientifique, la question n’était plus de savoir si oui ou non un tel projet avait réellement existé, mais plutôt de savoir pourquoi aucune trace ne subsistait dans la mémoire collective.
dimanche 9 juin, 18h
DAVID HOLZMAN'S DIARY – Jim McBride – USA – 1967 – 74min – VostFR
Entrée : 5.- Frs
« Le cinéma c’est la vérité, 24 fois par seconde »
La citation est reprise de Godard par le protagoniste du film, David Holzman, un jeune new-yorkais fraîchement viré de son job, qui entreprend de réaliser son journal intime filmé. On apprendra donc à le connaître à travers des monologues à forte portée narcissique face à la caméra, sa tendance irritante à filmer sa petite amie dans des situations peu flatteuses ou encore les interactions plus ou moins heureuses avec d’autres individus, notamment une femme prise en chasse dans la rue ou son ami moyennement enthousiasmé par le projet…
« Le cinéma, c’est le mensonge, 24 fois par seconde » : c’est ce que semble affirmer ici Jim McBride, le véritable réalisateur du film, en signant un des premiers exemples de mocumentary, démarche visant à détourner les codes du documentaire et questionner le lien entre cinéma et vérité. Cinéma-vérité ou sa variante cinéma direct qui étaient du reste très prisés à l’époque, notamment dans la forme de journal-filmé développé par Jonas Mekas. Or, avec ce personnage médiocre, antipathique, bien que touchant par moments, McBride pointe les limites du genre : le projet finit en cul-de-sac après que Holzman se soit fait voler son équipement. Le message est sans équivoque.
dimanche 9 juin, 20h
L'EVAPORATION DE L'HOMME – Shohei Imamura – Japon – 1967 – 130min – VostFr – 35mm
Tarif normal: 12.- Frs / Tarif AVS, chômage, étudiants : 8.- Frs / Tarif membre : 7.- Frs / 20 ans-20 Francs : 5.- Frs
« Le film s’achève, mais pas la réalité »
Chaque année au Japon, des dizaines de milliers personnes disparaissent sans laisser de trace. C’est pour comprendre ce phénomène inexpliqué qu’Imamura suit les démarches de la femme d’un de ces « évaporés » dans sa quête pour retrouver son compagnon.
Or, plus l’équipe du film tente de comprendre les motivations qui ont poussé cet homme à disparaître, moins la vérité semble accessible. Les questions ne cessent de surgir, sans trouver de réponses. L’attention bascule alors sur la femme, dont la relation avec son mari et avec sa propre sœur d’avère soudainement plus compliquée.
Au fur et à mesure, le projet initial s’évapore lui aussi et laisse place à un autre objet cinématographique en un retournement de situation déstabilisant à la fin du film. Un chef d’œuvre de radicalité quant à la réflexion sur la nature des images soumises au spectateur.
samedi 15 juin, 18h (séance présentée par Jordi Vidal, théoricien et directeur de la culture de la Ville de Perpignan)
WAR GAME (La Bombe) – Peter Watkins – Grande Bretagne – 1965 – 48min – VOstFR
Entrée : 5.- Frs
« Si LA BOMBE choque le spectateur, ce n'est pas parce qu'on a eu recours à des effets de terreur, mais parce qu'il voit pour la première fois, avec l'évidence de l'image, ce qu'il ne veut pas voir et ce qu'on ne lui laisse pas voir. » Peter Watkins
En pleine Guerre froide, un enchaînement d'incidents graves à Berlin déclenche une attaque nucléaire soviétique contre la Grande-Bretagne. Les autorités se révèlent incapables de faire face à l'ampleur du désastre et du chaos généralisé.
Adoptant les codes du documentaire et énonçant méthodiquement en un réalisme brut l’escalade de chaos et de destruction qui toucherait la Grande Bretagne en cas de guerre nucléaire, le projet de Watkins ne pouvait qu’attirer les foudres des autorités appliquées à défendre un discours rassurant dans le contexte plus qu’instable de l’époque.
Exemple les plus emblématiques du docu-fiction avec PUNISHMENT PARK, LA BOMBE fut à la source d’une immense polémique, après que la BBC ait censuré le film sous la pression du gouvernement britannique. L’affaire marqua du reste la fin de la collaboration de Watkins avec la chaîne et renforça sa position critique vis-à-vis des médias, qu’il énoncera plus tard dans son ouvrage « Media crisis » sous le concept de Monoforme.
samedi 15 juin, 19h (séance présentée par Jordi Vidal, théoricien et directeur de la culture de la Ville de Perpignan)
PUNISHMENT PARK – Peter Watkins – USA – 1970 – 88min – VOstFR - 35mm
Tarif normal: 12.- Frs / Tarif AVS, chômage, étudiants : 8.- Frs / Tarif membre : 7.- Frs / 20 ans-20 Francs : 5.- Frs
1970. Le conflit au Vietnam s'aggrave. Face à la vague de protestations d'une partie de la jeunesse américaine, le Président décrète l'état d'urgence. Les contestataires jugés doivent choisir entre une lourde peine de prison ou le Punishment Park : Contre la promesse de leur libération, ils auront 3 jours, sans vivres et sans eau, pour atteindre un drapeau américain planté dans les montagnes à 80 km de là.
Prenant le parti de tourner avec des acteurs amateurs issus de mouvements militants pour jouer les condamnés ou de simples citoyens exprimant leur propre opinion pour jouer les jurés et juges durant le procès, Watkins met en image ce cri d’alarme en adoptant le point de vue de journalistes européens venus documenter le fonctionnement de ce parc punitif.
Seul film réalisé par Watkins aux Etats-Unis, il est censuré dès sa sortie et violemment critiqué par les médias américains pour la vision dystopique qu’il donne de la politique du pays, à savoir, l’ère Nixon, dominée par une vague de répression des mouvements contestataires et une dégradation des libertés individuelles.
dimanche 16 juin, 18h
LAS HURDES, TIERRA SIN PAN (Terre sans pain) – Luis Buñuel – Espagne – 1933 – 27min – VostFr – DVD
Entrée : 5.- Frs
Troisième film de Buñuel après les deux piliers du cinéma surréaliste UN CHIEN ANDALOU (1929) et L’ÂGE D’OR (1930), le documentaire TERRE SANS PAIN dénonce la misère extrême de la région reculée de Las Hurdes, en Espagne. Malnutrition, maladie, nature hostile, abandon des autorités : le réquisitoire est radical et sans concessions et vaudra au film d’être censuré en Espagne pendant de nombreuses années.
Or, l’extrême noirceur et âpreté du film ont depuis valu des critiques au réalisateur en raison de sa partialité et de la manipulation des faits à laquelle aurait eu recours. Buñuel aurait ainsi volontairement accentué la représentation de la misère, du désespoir et de la mort par différents recours.
Ainsi la scène où une chèvre est précipitée du haut d’une falaise ou celle montrant un âne se faire mortellement attaquer par des guêpes résulteraient d’une intervention directe de l’équipe du film dans le but de créer un pic dramatique. Le montage quant à lui ne comprendrait que les images les plus sombres et empreintes de désespoir, laissant volontairement de côté les scènes plus légères. Pour finir, le commentaire, ajouté en 1936 pour la sortie française du film, et signé notamment par le poète surréaliste Pierre Unik, témoigne d’une subjectivité et d’une partialité manifeste.
suivi de :
L'AMBASSADE – Chris Marker – France – 1973 – 20min – VF – Vidéo
De la fenêtre de l’Ambassade, j’ai tourné mon dernier plan. La camionnette qui les amenait en exil et cette ville que nous avions connue libre. »
Suite à un coup d'état, des opposants se réfugient dans une ambassade. Une caméra Super-8 capte les inquiétudes, les espoirs et les premières frictions qui surgissent entre les réfugiés. Le dernier plan détermine le statut du film (documentaire ou fiction) en un retournement de situation éloquent.
Réalisé directement dans le sillage de l’accession au pouvoir de Pinochet au Chili, L’AMBASSADE constitue une mise en garde acérée contre la menace des dictatures militaires. Chris Marker joue habillement sur nos attentes et nos certitudes en se servant des codes propres au documentaire et au cinéma-vérité.
dimanche 16 juin, 19h
EIN BILD (Une image) – Harun Farocki – Allemagne – 1983 – 25min – VostAng – 16mm
Entrée : 5.- Frs
Le film dépeint le processus de création d’une photographie érotique pour l’édition allemande de Playboy, de la construction du décor en passant par la recherche laborieuse d’une pose satisfaisante et l’analyse des clichés par l’équipe, jusqu’au démontage de la fausse cheminée en contre plaqué.
L’artifice de la mise en scène est accentué par le côté répétitif, laborieux et banal de l’élaboration d’une telle image, qui contraste avec l’iconographie fantasmée de la femme relayée par les médias. Farocki ne prétend pas dresser une critique de cette mise en image, mais plutôt décrire frontalement et méthodiquement un processus de création.
Toujours est-il que la facticité du dispositif et l’inconfort manifeste auquel est contraint le modèle laisse songeur quant à la structure de production mobilisée pour la réalisation de ce cliché trônant chaque mois en double page au coeur de la presse masculine.
suivi de :
INDUSTRIE UND FOTOGRAFIE (Industrie et Photographie) – Harun Farocki – Allemagne – 1979 – 44min – VOstAng – HD
« J’utilise les images des Becher dans INDUSTRIE ET PHOTOGRAPHIE et je crois que ma thèse générale était que le cinéma a été inventé trop tard. L’industrie chimique n’était déjà plus descriptible, comme à l’époque de la première vague industrielle, du fer et du charbon, et ainsi de suite, qui était peut-être plus appropriée pour l’image en mouvement. (…) Les images vous disent une chose, mais en fait elles révèlent autre chose. » Harun Farocki
En partant de l’œuvre photographique de Bernd et Hilla Becher, qui se sont appliqués à recenser méthodiquement au cours des années 60-70 les vestiges architecturaux de la période industrielle de la Ruhr, presque tous disparus depuis, Farocki s’interroge sur la propension d’une image photographique à transmettre une quelconque compréhension de la réalité du monde industriel. Evoquant les différents angles d’approche desquels appréhender ces images fixes, Farocki pointe le décalage entre l’image et le commentaire l’accompagnant et insiste sur la nécessité pour le spectateur de rester vigilant à ce qu’il perçoit.
Un essai posant les bases de la réflexion que Farocki développera par la suite autour de la distinction entre le visible et le compréhensible.






